Pourquoi porter ce livre à la scène ?

Gisèle Guillemot

  L’auteure

Gisèle Guillemot est née en 1922 à Mondeville (Calvados). Elle entre en Résistance fin 1940, participe activement aux commandos de la région de Caen contre l’occupant allemand (sabotage de train …) Arrêtée en juillet 1943, elle est condamnée à mort mais sa peine est commuée et elle est déportée à Ravensbrück et Mauthausen. Elle écrit de nombreux articles et publie plusieurs livres. Elle raconte sa déportation dans « Entre parenthèses, de Colombelles à Mauthausen » qui reçoit en 2002 le prix de sociologie et d’histoire de l’Académie Française.
Elle est Commandeur de la Légion d’honneur.
Elle meurt en 2013 à Paris. Son dernier livre, « Elles … Revenir » paraît en 2007 aux éditions Tirésias, Michel Reynaud.

  Le livre "Elles ... Revenir"

Le retour des déportées est au coeur du livre. A la sortie du camp de Ravensbrück, beaucoup d’entre elles se retrouvent démunies, isolées, incomprises : implacable dureté des temps d’après-guerre. La question du suicide n’est pas éludée. Mais Gisèle Guillemot réussit à nous rendre ces femmes proches et attachantes. Même si les faits et les situations sont exacts, l’auteure prend le chemin de la fiction.

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dossier Elles ... Revenir

Mai 1945 ... il neige à Paris. Après son passage à l’hôtel Lutétia, Gisèle Guillemot rentre chez elle dans le Calvados. Deux ans auparavant les cerisiers étaient en fleurs, elle était prisonnière, elle avait perdu beaucoup d’amis de son réseau, et son amoureux. Elle partait pour un long voyage en Allemagne, sans savoir qu’elle serait déportée à Ravensbrück.

Aujourd’hui c’est le retour mais Gisèle n’est plus la même.
Chacune revient avec des souvenirs que ni les unes ni les autres n’exprimeront avec les mêmes mots.

« Elle sait pourtant avec une absolue certitude que chacune de ses compagnes gardera dans le cœur jusqu’au bout de sa vie une secrète tendresse pour celles qui auront traversé l’Achéron. »

Un spectacle pour toutes celles qui n’en sont jamais revenues. Pour ceux qui n’ont jamais oublié. Pour les jeunes qui découvrent et les adultes qui cherchent les chemins de la transmission.

« J’aimerais que nos témoignages donnent aux adolescents qui les entendent de régir leur destin collectif, d’assumer leur responsabilité de citoyens, chacun avec sa particularité »

Ces témoignages magnifiques, Laure-Marie Lafont les reprend et les porte à la scène. Un micro-moyen d’agir, une goutte d’eau, certes, pour lutter contre notre sentiment d’impuissance. Les récits sont contés, dans une recherche de sobriété et de vérité. Les mots tombent un à un, l’histoire nous est révélée, troublante. Musique, lumière, neige, visages ...
Comment s’accrocher à la vie sinon par un léger vent poétique ?

C’est l’histoire d’Eliane, de Jeanne, de Corinne, de Mouton…
L’histoire des femmes et des mères dans la Résistance.
Avril 1945, Libération.
Elles reviennent de Ravensbrück.
Elles sont accueillies à l’hôtel Lutétia à Paris avant de retrouver leur famille, leur maison.

Mais ont-elles encore une maison, une famille ?
Et l’angoisse des mères qui ont laissé de très jeunes enfants ?
Elles sont dans une sorte de bulle, ni dehors, ni dedans, dans cet entre-deux qui n’a pas de nom.

Elles se connaissent toutes, ont partagé leur misère humaine, elles n’ont pas besoin de se parler.
Elles sont vivantes et se demandent bien pourquoi.
Elles sont dans un état proche d’égarement.

Mouton veut retrouver sa mère à tout prix. Pourquoi n’est-elle pas venue l’attendre au Lutétia.

Eliane retrouve tous les siens mais elle ne peut parler, dire, raconter : personne ne veut attendre.

Jeanne est dans ce train qui la ramène chez elle, plongée dans une sorte de léthargie qui la rend indifférente à tout ce qui se passe autour d’elle ...

  Extrait : Eliane

« Eliane avait eu beaucoup de chance, dès son arrivée, elle avait été affectée à un des commandos les moins mauvais du camp, dit « de la fourrure ».
Le travail était harassant, mais au moins, se trouvait-elle à l’abri des intempéries.
Etant infirmière spécialisée en chirurgie, elle aurait préféré travailler au Revier, mais pour y obtenir un poste il fallait disposer de soutiens qui lui manquaient.
Néanmoins elle avait eu de la chance, elle n’avait pas attrapé la scarlatine, ni le typhus, elle n’était pas devenue tuberculeuse.
Au moment de l’effondrement du Reich, elle avait encore eu de la chance, elle n’avait pas été expédiée sur la route dans ces terribles convois mortifères. Elle avait été rapatriée gentiment par la Croix-Rouge internationale.
Décidément toujours chanceuse, elle avait retrouvé intacte toute sa famille et aussi son fiancé qui l’avait fidèlement attendues trois longues années.
Pour couronner cette veine, son réseau de Résistance avait été reconnu parmi les premiers à la Libération et homologuée comme lieutenant, elle avait touché un rappel de solde depuis son entrée en Résistance jusqu’à sa Libération : un gentil pécule !
Elle bénéficiait en outre d’une longue période de convalescence.
Elle avait vraiment de la chance.
Pourtant elle se sentait mal à l’aise, oppressée.
Il y avait trop de rumeurs, de lumières, un soleil insolent au-dessus d’une ville trop bruyante, et puis les gens, surtout les gens !...
Ils étaient si loin, ils ne lui semblaient pas réels.
Le soir, au cours du premier repas, sa mère s’étonna qu’elle fût tellement silencieuse.

Alors elle dit … »